Une araignée étrange capture des objets de convoitise enfantine et les enrobe d'un suc translucide ... elle les habille, les déshabille, puis les jette, ou du moins les fait disparaître; Mêlées à leur consistance, à leur odeur, à leur couleur propre, les vêtements - moules conservent des formes autrefois embrassées, étreintes, manipulées.

Peaux mortes, comme issues d'une mue, elles gisent tels des gants abandonnés, ou plus probablement intentionnellement égarés, en guise d'indices, adressés à toutes les curiosités.

Un jeu s'engage, cache-cache, dérobade, empreint de cette intention de séduction féconde et qui d'elle-même se régénère sans cesse, jamais lasse, jamais rompue. Les objets s'y prêtent avec une aimable complaisance. Captifs, candides, choyés, puis délaissés, ils se dissimulent encore dans le vide, sous les plis du silicone, dont il émane comme un murmure, un chant de sirène.

On les devine, les réinvente bientôt, en fouillant des yeux leurs oripeaux incolores. Leur charme, pâle couleuvre, nous enveloppe à son tour d'une gangue imprécise, d'une tiède et doucereuse nausée. La tentation se fait grande de s'en saisir, de palper ces dépouilles avachies qui ne sont que les reste de jouets répudiés, de comprendre, peut-être. Se souvient on alors que l'araignée ne rôde jamais loin de sa toile? Le piège est énorme et invisible.

Ne sont elles pas risibles toutes ces enveloppes épinglées comme du linge qui sèche, empilées négligemment sur un caddie? Ou encore encloses dans de dérisoires sarcophages, couchées dans des offres de plastique et s'offrant au regard seul? Cependant ces chiffe-molles semblent bien connaître nos faiblesses, nos angoisses et nos nostalgies. Cruelles parce que fragiles, elles arborent des allures de fantômes, évoquant la gravité d'un monde parallèle, ou tout devient inconsistant, et dont elles se moquent autant que de notre attachement.

Anne Roudeau